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La diagonale du "vide"

Bon je suis au Brésil, et je me détache un peu des sujets touristiques qui ont alimenté ce blog l'année dernière. Et pour cause, je ne fais pas de tourisme ! Ça reviendra en temps voulu. J'ai d'ailleurs un prochain article sur les coutumes brésiliennes à écrire, mais je ne sais pas quand je trouverai le temps de le faire.

Toujours est-il que je crois que vivre vraiment loin de chez soi nous fait certainement plus souvent penser à ce chez soi, et parfois avec plus de recul et un autre regard. 

 

Diagonale du vide... ou Diagonale du rien, c’est ça? Je suis rassurée de lire chez Wikipédia que les géographes rejettent en fait en masse ce concept « péjoratif ». La juste expression en effet, c’est bien « diagonale de faible densité ». Je ne sais pas qui a inventé ce concept, je ne l’ai pas (encore) trouvé. Toujours est-il que j’ai appris ça au lycée dans mon cours de géographie, et que je m’en souviens trop bien. Il est même possible que mon professeur à l’époque ait utilisé cette expression avec des pincettes et l’ait critiquée, mais ça, je ne m’en souviens plus. Ce qui reste dans ma tête et qui s’accroche, c’est cette expression tellement forte de son image qu’elle ne peut pas être oubliée.

J’en faisais une plaisanterie, jusqu’au moment où j’ai pris conscience avec un certain effroi de la gravité de l'usage d’une telle expression. Si on regarde d’un peu plus près le poids d’une telle expression, on ne peut être d’accord qu’avec le mot « diagonale ». C’est très objectif, il n’y a rien à contester. Mais « du vide » est tellement lourd de sens et surtout de non-sens que je suis obligée d’écrire sur cette idée stupide et hautaine. 

Bien sûr, je me sens d’autant plus touchée que je suis née dans cette diagonale, et que je ne crois pas être une partie du vide. Oh non, rassurez-vous, cette diagonale est pleine de gens (moins que dans les métropoles asphyxiantes, il est vrai), d’animaux, de champs, de maisons, d’histoires, de jeunes, de personnes âgées, d’enfants et d’adultes. Cette diagonale a des villes et des villages, des églises et des mosquées, des sentiers et des autoroutes, des tracteurs et des BM, des musiques et des silences, des joies et des colères. La diagonale du vide se visite (voyez la contradiction, qui aurait envie de visiter le vide ?), la diagonale du vide s’habite, et elle se vit pleinement.

Le vide est certainement quelque chose de très intéressant, mais il ne définit en rien mon histoire, ma région et ma vie. En revanche, il conditionne et alimente une façon de pensée par dichotomie. Combien de fois j’ai dit aux gens que je rencontrais que je venais d’une ville que personne ne connaissait ? « Personne », le vide. Combien de fois j’ai plaisanté en disant que chez moi il y avait plus de vaches que d’hommes ? Il faut rire de tout, et j’ai déjà ri de ces blagues, mais si je prends du recul, je vois bien qu’elles sont enrobées de honte, de gêne. Et tout cela par rapport à un schéma bien défini qui sévit dans nos mentalités depuis très longtemps, celui de l’opposition ville/campagne, ou encore Paris/Province. La ville et Paris étant liées au cool, au travail, à la culture, à la fête, à la tendance, à la mode, aux études. La campagne et la province étant résumées à l’intelligence limitée (les péquenauds), au ringard, au mauvais goût, que sais-je encore. Mais l’extrême inverse existe aussi, la diabolisation de la ville sale, polluée, où tout le monde s’ignore, où l’on a perdu les vraies valeurs ; contre une campagne verte et baignée de soleil, écolo, ou les vraies valeurs se conservent. Rien de tout cela n’est vrai, rien de tout cela n’est faux.

Je demande seulement qu’un équilibre soit restitué dans nos esprits. Cessons ces dichotomies ridicules. Chaque lieu a sa richesse, chaque chose ou personne qui l’habite la constitue. Je demande que l’on trouve une alternative à ces médecins qui refusent de soigner la diagonale, que l’on trouve une solution face à cette ère capitaliste qui ne concentre le travail que dans les grandes villes et encourage cette image de vide.

Ma diagonale comme on le voit est remplie de préjugés mais aussi de réalités complexes. Je me souviens de ce même professeur de géographie qui nous a dit l’année du bac que ce n’était pas parce que nous venions de Châteauroux qu’il fallait nous dévaloriser concernant nos plans d’études ou de carrières. Cette phrase raisonne encore aujourd’hui dans ma tête. Il avait raison. La diagonale du vide n’existe que si nous acceptons de nous effacer.

 

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