Les oubliés /1

Elle éteint les braillements de son réveil. 5h06 du matin. Il ne faut pas traîner. Elle enfile ses gros chaussons avec de la laine dedans. Il fait encore nuit noire et tout est silencieux. Après s’être soulagé la vessie, elle s’avance vers la cuisine où elle fait couler machinalement du café dans sa tasse rose un peu ébréchée en haut. Elle tartine deux ou trois biscottes tout en laissant un bâillement décrocher sa mâchoire. Son regard fixe le vide. Le cerveau est encore embrouillé de sommeil. Mais la pendule retient enfin son attention : 5h17, il faut se presser, vite ! La douche !

Enfin prête, dans une tenue confortable, un peu maquillée, assez parfumée, très hydratée, elle enfile son manteau, agrippe  son sac et ses clés et monte en voiture. Il est 5h42, il fait toujours nuit noire et seul le bruit du moteur de la Renault déchire le silence paisible de la campagne. Une trentaine de kilomètre et une quarantaine de minutes la séparent de son travail. Embauche à 6h30 pétantes. Les patients n’attendent pas. Les résidents encore moins. Les collègues de nuit ne rêvent plus que de déguerpir. Il faut arriver à l’heure. C’est-à-dire avant l’heure, pour se mettre en blouse et laisser ses affaires au vestiaire. Ce matin, c’est la voix de Daniel Guichard qui l’accompagnera jusqu’au travail.